Je m’offre un petit article en dehors de l’actualité de l’Al-Terre-Ferme, comme une soupape au milieu de mes déboires administratifs.
Sur les conseils de Marianne (que je remercie au passage), je suis allé, durant une salutaire parenthèse parisienne, à l’exposition consacrée à Franquin au Centre Wallonie-Bruxelles près du Centre Beaubourg. Cette exposition a été l’occasion pour moi de revoir de nombreux dessins d’un des auteurs majeurs de la bande dessinée franco-belge, de relire quelques pages d’albums, et surtout de découvrir un dessin jusqu’à présent ignoré, qui polarise à la fois ses multiples talents, ses sources d’inspiration et sa sensibilité, qui font mon admiration pour cet auteur.
Mais que vient faire ce dessin sur le site de l’Al-Terre-Ferme ?
Il représente pour moi l’illustration des raisons de mon engagement écologique, de ma volonté de préserver un environnement accueillant où l’on pourrait vivre en toute quiétude, sans craindre la folie destructrice qui avance sous des justifications de « développement » ou de « progrès », et qui finalement crée un environnement froid, pauvre en vie et triste, au profit de quelques uns seulement.
Vous trouverez peut-être que mes états d’âme sont quelque peu nostalgiques, qu’il faut bien vivre avec son temps, qu’il faut regarder vers l’avenir, mais justement l’avenir qu’on nous propose me fait trop souvent penser à cette machine menaçante qui s’approche, qui systématiquement est suivie par des mètres cubes de bétons, des grues, du bitume et au final des bagnoles, qui eux-mêmes se substituent à des prés, à une place de village charmante avec de petites échoppes, de la nature, de la convivialité, des jeux d’enfants, une circulation douce…
Je n’ai jamais connu Saran aussi petite et charmante, mais ma maman, si. C’était il n’y a pas si longtemps. Comment inverser la tendance ? Ensemble ?
Je me pose la question : André Franquin est-il une des personnes à l’origine de ma prise de conscience écologique ? Lire pendant mon enfance les gags de Gaston affrontant les chasseurs de baleines, ou les aventures de Spirou contre les dictateurs, a-t-il contribué à forger mon opinion ou tout du moins orienter ma sympathie et mon antipathie ? Et le droit à la paresse revendiqué par Gaston, pourrait-il faire de Franquin un des illustrateurs de la Décroissance (travailler moins pour vivre mieux) ?
A moins que ce ne soit l’inverse et que retrouver dans le monde de Franquin des thèmes qui me sont chers ne provoquent en moi une admiration redoublée. Je ne sais pas. Je sais juste que cette image est forte de sens et qu’elle tiendra une place particulière dans mes actions à venir.
Merci Franquin.
Et merci Fred Jannin d’avoir partagé ce dessin et lancé cette exposition qui m’a procuré quelques émotions bienfaitrices. Je remets ci-dessous les mots de Fred Jannin qui expliquent l’origine du dessin et le pourquoi de l’exposition :
Bruxelles, en plein milieu de l’année 1978. Je ne sais plus si on déguste un plat chinois ou une fraise melba, mais je me trouve en compagnie d’André Franquin et d’Yvan Delporte.Ceux-ci s’amusent à concocter un supplément pour le mensuel « À SUIVRE » appelé « PENDANT CE TEMPS À LANDERNEAU ». Comme d’hab’, Delporte a demandé un petit dessin à Franquin pour le titre. Comme d’hab’, André a sué et déployé toute son énergie à risquer de faire le plus beau dessin de sa vie, cette fois avec un Rotring ultra-fin. Comme d’hab’, ce dessin sera assez mal reproduit, les traits tout écrabouillés.
Et ce jour-là, Yvan s’apprête à rendre l’original à son auteur. Une fois de plus, la réaction de Franquin envers son propre travail est violente :
– Bueeeerk ! Quelle horreur ! Tiens, Jannin, prends-le ou je le fous à la poubelle !
Je rentre chez moi avec le dessin de Landerneau sous le bras, me demandant si Franquin se rend bien compte à quel point il m’a fait plaisir…
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Trente-cinq ans plus tard, avec Isabelle Franquin, nous sommes partis de cet immense petit dessin pour explorer certains thèmes récurrents de l’œuvre de son père. Une œuvre si généreuse et si complexe qu’on a dû en laisser de côté (il y aura d’autres occasions…). M’ENFIN ?! Franquin vous montre des merveilles connues et moins connues d’un génie du dessin, en perpétuel renouvellement et en incessantes recherches de nouveaux univers graphiques.