Entretiens de Sologne

Je reviens des Entretiens de Sologne, colloque écologiste organiséAffiche Entretiens de Sologne par l’association Intelligence Verte et initié par Philippe Desbrosses créateur de la Ferme de Ste Marthe.

Le colloque, au programme riche (3 jours de conférences et d’ateliers participatifs dans au moins 2 salles en parallèle, plus des projections dans une autre salle), était doublé pour la première année d’un éco-festival.

C’était ma deuxième visite aux entretiens. L’année dernière, j’y étais allé et en était revenu vraiment ravi des rencontres, des découvertes, des échanges qui avaient comblés ma curiosité, ma soif de nouveautés, de solutions pour vivre ensemble sur la planète, et plus particulièrement de solutions que je puisse mettre en œuvre à mon échelle ou auxquelles je puisse participer pour, collectivement, initier quelques changements ou évolutions.

C’était souvent des pistes, c’était également des compte-rendus d’expériences concrètes,  intellectuellement élégantes, appuyées sur des valeurs de partage et de non-violence. Il y avait eu, entre autres, des intervention sur l’Arbre, pilier de l’écosystème, sur l’éducation, sur le biomimétisme, sur le maraîchage éthique. Le documentaire « comment nourrir l’avenir ? » avait été projeté et j’avais apprécié sa présentation pédagogique des constats et les solutions suggérées pour améliorer la situation. Nous avions également pu visiter la ferme de Ste Marthe et avoir une démonstration de traction animale.

Je me sens moins comblé cette année des 3 jours passés là-bas. J’y ai quand même retrouvé plusieurs amis, une envie de bien faire, une richesse de thèmes abordés, des nouveautés et des personnes intéressantes :

  • J’ai découvert Jean-François Noubel. J’ai malheureusement raté son intervention du vendredi matin dont on m’a rapporté plusieurs fois la qualité. Mais je me suis rattrapé ensuite : j’ai d’abord apprécié les solutions qu’il proposait afin de libérer la parole au sein d’un atelier pour qu’elle ne soit pas pyramidale (une estrade avec des intervenants et un public remplacés par une structure en cercle où tous se regardent), qu’elle soit claire et intelligible (le preneur de parole se lève, respire profondément pour poser sa voix et ses idées avant de parler à tout le cercle d’auditeurs), qu’elle soit modérée (un petit signe pour signifier à celui qui parle que son intervention commence à être longue ou confuse ou hors sujet). Puis j’ai pu apprécier son discours autant sur la forme que sur le contenu : clair, posé, riche en expérience, en contenu. J’ai notamment apprécié son travail sur les monnaies libres. Et maintenant je commence à découvrir ses écrits et ses autres idées au travers de son site et cela me conforte dans certaines de mes propres idées et dans ma volonté de les mettre en œuvre (le dépassement de notre système par exemple, notamment économique).
  • J’ai participé à un atelier avec Joseph Orszagh qui a travaillé énormément sur l’autonomie en eau. Son travail est présenté en grande partie sur son site eautarcie.org. Concrètes, pratiques, simples, les solutions proposées pour devenir autonome en eau (autant pour l’arrosage que pour la maison, eau alimentaire ou domestique, assainissement) sont peu coûteuses, respectueuses de la nature et devraient être universellement adoptées pour arrêter de polluer, dilapider une ressource aussi rare et précieuse que l’eau douce.
  • L’éco-festival accueillait un groupe de forgerons. 3 gars avec tablier en cuir, enclume et visage couvert de suie. Ils font le travail d’un bout à l’autre : en partant de la pierre brute ferreuse, ils arrivent à l’outil terminé (hache, serpe…), en passant par le bloc d’acier brut, le tout avec très peu de matériel, d‘énergie et de technologie. Du vrai artisanat capable de dépasser l’après-pétrole pour continuer à fournir des outils manuels performants. Un des trois est dans la Région Centre… Une bonne ressource.
  • Et enfin, Antoine Strauss (sa première expérimentation chez ses parents) a présenté pour la première fois en public ses recherches sur un habitat intégré au paysage, confortable, autonome en chauffage, peu coûteux à la construction et extrêmement solide dans le temps. Il s’agit d’une sorte de bulle semi-enterrée. C’est à la fois simple et élégant, assez facile à mettre en œuvre et ça me tente énormément. De là à remettre en cause encore une fois mes plans… Je ne sais pas encore, mais…

C’est mon petit compte-rendu à chaud. Comme je dis plus haut que je ne suis pas tout à fait comblé, je détaille ci-dessous les quelques remarques que je pourrais faire aux organisateurs, même s’ils sont en partie gommés par les points positifs ci-dessus, je tenais quand même à les relever, si jamais les Entretiens pouvaient encore s’améliorer… Mais, par ailleurs, je n’ai pas parlé non plus de tous les points positifs, mais seulement de ceux qui constituaient une nouveauté pour moi et qui auront certainement des retentissements dans mon installation.

Pour les courageux ou les curieux, voici ci-dessous les points négatifs…

  • Des invités prévus aussi prestigieux qu’intéressants étaient malheureusement absents (Pierre Rabhi, Jean-Marie Pelt, Edgar Morin) sans que l’on soit prévenu.
  • On peut déplorer le côté élitiste du colloque avec le prix d’entrée, les réservations pour dormir, les prix des repas gastronomiques (ou astronomiques…) qui en font un événement presque destiné à des bobologistes. Bon, il n’est pas obligatoire de dormir sur place et l’on peut apporter ses propres repas, mais on se sent de fait un peu exclu. Évidemment la salle de restaurant ne peut pas accueillir tous les participants donc un prix élevé permet de limiter le nombre de convives. De même, organiser un événement comme celui-là coûte cher et il faut bien rentrer dans ses frais, mais l’impression est là.
  • L’ambiance se veut agréable, joyeuse, conviviale, festive. Jusque là rien à redire, mais les sujets abordés et les discussions sont sérieux et méritent un traitement tout aussi sérieux dans un temps restreint (3 jours, ça passe très vite). Or il y a un côté bisounours, « on est tous frères », on fait des farandoles et des respirations collectives pour faire baisser la pression qui peut être sympa jusqu’à un certain point, mais qui au-delà, prend beaucoup de temps, devient pénible et frustrant autant pour les intervenants que pour les participants. L’exemple le plus marquant a été pour moi l’atelier du dimanche matin consacré à la Maison autonome où chaque intervenant a été limité dans son temps de présentation pour laisser la place à la fin à la discussion et aux questions, mais où ce temps a été réduit à peau de chagrin (1h en moins !) notamment par la « nécessité » d’aller suivre le cortège visitant le mandala créé par les enfants et terminer par la plantation symbolique d’un pêcher le tout au son de la flûte…
  • Les discussions m’ont semblé, pour certaines, redondantes avec celles de l’année dernière, parfois vides et de l’ordre de l’incantation. Ma curiosité insatiable n’a pas cette année été suffisamment satisfaite, mon répertoire de solutions concrètes n’a pas assez grossi, mon émerveillement nourri aux idées nouvelles n’a pas été alimenté à la hauteur de son appétit. Alors, soit j’en connais déjà trop, mais vu mon âge, le peu de temps depuis lequel je m’intéresse à toutes ces questions, cela m’étonne vraiment. Soit les Entretiens tournent en rond. Mais je ne voudrais pas émettre d’avis trop définitif sur mon expérience de seulement 2 années de participation aux Entretiens. Soit je suis trop exigeant, ce qui est aussi possible…
  • La soirée cinéma du vendredi soir autour du dernier documentaire de Jean-Paul Jaud (Nos enfants nous accuseront) intitulé « Tous cobayes ? » traitant des problèmes liés aux OGM et au nucléaire, a été une parodie de projection et une perte de temps. Entre un documentaire amputé de la majeure partie de son contenu (l’intégralité doit être réservée pour le jour de la sortie officielle accompagnée de la promotion dans les médias et d’une « bombe » retentissante, révélation extraordinaire d’après le réalisateur qui ménage ses effets), une projection techniquement déplorable (hachage toutes les minutes faisant perdre les propos des interviewés et une interruption en cours de route pour arriver à un truc sans queue ni tête n’apprenant rien), un réalisateur avec la grosse tête (le mot « bombe » est de lui. Peut-être que la révélation annoncée sera en effet fracassante, mais un peu d’humilité…), et un débat vide à la fin, je regrette de n’avoir pas emmené un bon petit jeu de société pour passer plus agréablement la soirée. Heureusement que les 5 euros supplémentaires initialement prévus pour assister à la soirée avaient été finalement supprimés.
  • L’éco-festival était trop petit. Pour la première année, les Entretiens accueillaient un éco-festival. Mais je pense que la décision a été trop tardive et peu de stands étaient présents pour prétendre vraiment au titre d’éco-festival et du coup, l’accès à cette seule manifestation était là aussi trop chère. Mais l’idée est bonne et prendra sans doute de l’ampleur et de la maturité.
  • La dernière frustration, mais qui n’est pas spécifique aux Entretiens, et plutôt commune à la plupart des discussions, débats, colloques, est due aux prises de parole inutiles, parfois complètement hors sujets, trop longues car divagant au gré de la pensée, agressives, aux réactions intempestives et bruyantes qui perturbent les intervenants et les auditeurs. Même dans ces entretiens où la bienveillance, l’écoute et la non-violence font partie des valeurs cardinales, les egos ne peuvent s’empêcher d’émerger, de se mettre en avant, de prendre la place…